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God lives in a dark forest

Writing & editorial design                                                                                              2018


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God lives in a dark forest

La matière fantôme, m’a-t-on dit, traverse tout ce qui ne la compose pas. Composé d’inconnu, d’infinis questionnements. Traversés, constamment de matière sourde, invisible, nous vivons en routine, régulés, d’horloges et de cafés, autistes du cosmos. Retrouver la mer de nuages, je pense est ma quête, lino, colimaçon, béton, trottoirs, saleté noire, poussiéreuse, klaxons, rames et bruits de talon, course rapide, essoufflement, périphérie, blocs verticaux, parcs et passages lumineux. Je sens glisser ces rafales, infimes, paraissent-elles, immenses sous le manteau, je relève le col, car il reste des heures à passer dans le froid, ma conscience est une matière fantôme.

Il y a des forêts qui encerclent les cris, les respirations, fortes et rapides, les pas battent la terre, mais aucun écho ne saurait trouver d’issue. Cette forêt est humide, quadrillée de sombres écorces. Les troncs ont des bouches béantes, j’attends, j’attends qu’une forme en déclenche une autre, la multiplie, l’annihile. Je connais la capacité des formes a se recréer en ombres mouvantes, à nos pieds, créer une présence fantôme, la peur qui déclenche le frisson, paranoia, amok. Mais on n’agit jamais seul, on se regarde agir encore et encore, ce temps de la folie, de l’errance psychique, est une boucle. Une forme ronde, à nouveau, la naissance d’une nouvelle version de soi. Je me réveille subitement, comme si je n’avais pas dormi, déjà alerte aux éventuelles rencontres.

Je suis attentif aux étoiles, car déjà je n’en vois plus souvent, qui prend encore le temps d’être attentif aux étoiles, le ciel semble incapable de toutes les contenir, quelle densité, quelle pesanteur, je transpire, je suis inquiet. Ces points lumineux sont des fins de phrase, elles ponctuent les pensées inassouvies, les désirs consumés, les volontés isolées. Celles qu’on pense nous appartenir, dont on jubile en silence dans l’attente d’être démasqué, elles sont ici toutes exposées, flottent dans l’air comme un instant solitaire. Qui pourrait bien briser cet instant ? Qui pourrait nous saisir de surprise dans ce numéro d’exhibitionnisme ? Qui pourrait être cette ombre immobile qui me fixe à quelques mètres, derrière cet arbre, frissonnante dans le zephyr crépusculaire ?


Text: Ismaël Jouhari
Design: Ismaël Jouhari
Photo: Nocturnal Animals (Tom Ford, 2017)
Typefaces: Aktiv Grotesk, Garamond, Avenir

God lives in a dark forest
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God lives in a dark forest

When I was lost in a dark forest

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