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Nouvelle n°18 : "Queue de morue VS peau de chamois"

Mardi 02 mai 2023 : "Queue de morue VS peau de chamois"

Je passe beaucoup de temps avec Côme, en ce moment. C’est un peu mon binôme dans cette épreuve du diplôme. Inséparables comme Tic et Tac, Bernard et Bianca, Johnny Castel et Bébé. Côme, c’est la première personne avec laquelle je me suis nouée d’amitié, à Penninghen. J’y vois - encore - un signe du destin : si j’avais été un garçon, mes parents m’auraient appelée Côme. Nous étions faites pour être amies. Pourtant, nos deux styles tout à fait opposés ne nous prédestinaient pas à une amitié durable. Comme quoi, les apparences sont parfois trompeuses. Elle avait un tas de piercings : dans le nez, les oreilles et sûrement d’autres endroits inaccessibles. Un peu le genre de clichés qui font dire que l’on est bien dans une école d’art. Mais en réalité, il n’y a pas que des personnes aux cheveux roses et aux sarouels un peu trop larges. Et moi, avec mon petit col claudine, tout droit sorti de mon lycée privé catholique, je ne devais pas passer inaperçue non plus. Quoi que, le Bon Marché n’est pas si loin. Ce diplôme me donne l’impression de boucler la boucle des cinq ans passés dans les ateliers bien trop étroits de l’Académie Julian et que Côme, est en quelque sorte mon petit ange gardien. Retour en septembre 2018. La première semaine de classe préparatoire est dédiée à des tests de compétences permettant de répartir les classes de façon homogène. Vous imaginez, dans le cas contraire ? Risquer de se retrouver dans une classe, entouré des réincarnations de Léonard de Vinci, Claude Monet et Auguste Renoir ? Chance de survie : - quasi - nulle. Le premier travail que nous avons dû faire, était de dessiner et peindre la fleur à moitié fanée et complètement déshydratée qui se trouvait devant nous, posée sur la table en bois décapée par le white spirit et lacérée par les coups de cutter. C’était donc à ça que servait la feuille demi-raisin 120 grammes que j’avais, évidemment, mal choisie. En même temps, qu’est-ce que cette feuille au nom tout droit sorti d’un livre de cuisine, vient bien faire ici ? Ça me rappelle la liste de fournitures que nous avions reçue pendant les vacances d’été, un peu avant la rentrée : on ne parlait plus d’un cahier 24x32 et de feuilles à grands ou petits carreaux, mais de fusain, fil à plomb et peau de chamois. C’est quoi tout ça, au juste ? Du matériel de torture ? Je vous épargne le moment où j’ai cru que la queue de morue était vraiment ce à quoi je pensais. Sans oublier les différentes graisses de crayon : H, HB, 2H, 2B, 4B, 6B, 8B. Je pensais que seuls les soutiens-gorge pouvaient avoir autant de déclinaisons différentes. Une fois installée, j’avais été prise de panique en me rendant compte que la fleur en face de moi était tout, sauf colorée, mais plutôt d’un blanc immaculé. Je réfléchis aussi vite que le temps qui file sur la pendule en face de moi : « Mais comment fait-on ressortir du blanc sur une feuille blanche ? ». Voyant mon visage se décomposer, Côme m’avait proposé d’échanger sa belle fleur rose contre la mienne. Sauvée par le gong et par Côme avec ses quelques expériences artistiques qui lui permettaient d’avoir la capacité de répondre favorablement à la problématique du ton sur ton. Malgré la couleur éclatante de ma végétation, ma nature morte était, pour le coup, vraiment morte. Mais pour une première fois, j’avais réussi à tenir le pinceau entre mes doigts et reconnaître les couleurs primaires, c’était déjà bien.
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